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En français avec la 4ème6 du Collège La Garenne de Voiron
5 mai 2020

Bonjour à tous les élèves de 4ème6 du Collège La Garenne de Voiron

Aujourd'hui, alors que le confinement se poursuit, il me semble intéressant que nous puissions voir et partager vos créations en fonction des sujets proposés en français.

Dans le cadre de notre Séquence n° 5 sur le théâtre, nous avons lu Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand. Nous nous sommes intéressés aux Précieuses et nous avons cherché à percevoir comment les personnages évoluent à travers leurs prises de parole pour "dire l'amour", entrer en conflit, répondre à une attaque ou provoquer, etc...

Tout l'art de l'écrivain étant justement d'adapter la forme et le contenu de chaque prise de parole à l'intention recherchée.

Il faut donc avant tout percevoir des différences entre les propos de chacun des personnages et être capable de parler de ces différences. Ceci est assez difficile sur un texte long où interviennent de nombreux personnages. C'est pourquoi, les sujets de brevet concentrent l'attention sur un dialogue entre deux personnages ou sur un début de récit ou sur un poème. Mais la démarche reste toujours la même; percevoir ce qui évolue dans les paroles ou les caractéristiques d'un ou de plusieurs personnages.

Le corrigé proposé doit être lu comme un témoignage de cette démarche :

Cyrano de Bergerac de Edmond Rostand : Evolution des personnages hors de la préciosité et du paraître.

                               Une pièce d’inspiration historique et littéraire : Rostand fait revivre sur la scène, le Paris de la première moitié du XVIIe siècle. Chaque personnage est à l’origine une personne réelle qui inspire le dramaturge, mais aussi, un héritier de la littérature médiévale, du XVIIe siècle précieux, du théâtre de Beaumarchais ou un héros de Dumas, de Gautier ou du théâtre de Victor Hugo. L’écriture de la pièce s’appuie sur des emprunts et des hommages aux écrivains qui ont précédé Rostand.

                               Les protagonistes ont réellement existé : Rostand fait preuve constamment d’un souci de l’exactitude historique. L’inspiration du dramaturge a trouvé son origine dans la lecture de la préface des œuvres du vrai Cyrano où Henri Le Bret raconte la vie de son ami et où six autres personnages sont évoqués : Carbon de Castel-Jaloux, le poète Lignière, Cuigy, le vaillant Brissaille, Mme de Neuvillette née Madeleine Robineau (Roxane) dont le mari a été tué au siège d’Arras et la Mère Marguerite de Jésus. Il s’est aussi reporté au Dictionnaire des Précieuses de Somaize où il trouve le portrait d’une précieuse surnommée Roxane qui s’appelait Mlle Robineau.

                               Rostand, un héritier de la littérature médiévale et de la préciosité : Au contact d’un groupe de poètes qui fréquentaient les soirées littéraires de Frédéric Mistral (écrivain de « langue d'oc » - appellation alors utilisée au XIXe siècle pour l’occitan - figure de la langue et littérature occitanes à qui bien des hommages sont rendus dans tous les territoires occitanophones, et ce jusqu'en Catalogne) Rostand a hérité de la poésie des troubadours et de leur sensibilité. Certains traits de Roxane sont ceux de la « belle dame » (rf à La Belle Dame sans mercy , un poème d'Alain Chartier publié en 1424) que le chevalier part conquérir. On peut repérer des points communs entre la précieuse et la princesse médiévale, entre la quête du chevalier et l’amour impossible de Cyrano. En outre, la scène du balcon rappelle celle de Roméo et Juliette de Shakespeare (1597). Roxane est en soi un personnage inspiré des auteurs précieux et particulièrement du roman d’Honoré d’Urfé, L’Astrée (1607) tandis que Cyrano doit beaucoup au personnage de Victor Hugo, Ruy Blas (1838).

                               Cyrano, un personnage poète qui a des valeurs à défendre : Cyrano comme Ragueneau est poète. Sa tournure d’esprit n’est jamais destructrice ; il aide à la joie de vivre et peut-être donne-t-il la force de vivre. La poésie est ce qui sauve :

« Oui, la pointe, le mot !

Et je voudrais mourir, un soir, sous un ciel rose,

En faisant un bon mot, pour une belle cause ! » (IV, 3)

Cependant, Rostand met une distance certaine entre Cyrano et les petits marquis de l’acte I, que va écouter Roxane, et dont Cyrano dit : « Ne manquez pas ces petits singes » (III,3) et la pointe, l’esprit léger sont d’abord, pour l’auteur, un moyen de ne pas se laisser abattre par les souffrances de l’existence : c’est par une tirade brillante que Cyrano se sauve du malheur d’être enlaidi par son nez ; c’est en faisant chanter  au fifre un poème gascon que le héros rend courage aux soldats affamés.

De plus, pour Rostand, la parole est un moyen d’échapper au paraître, de passer de l’apparence à la vérité ; la scène du balcon est capitale car elle met en scène le passage pour Roxane de l’amour précieux à l’amour vrai.

Cyrano est un personnage qui transmet des valeurs positives et il fait le choix de la sincérité vis-à-vis de soi-même :

« C’est justice et j’approuve au seuil de mon tombeau :

Molière a du génie et Christian était beau ! » (V,6)

Pour lui, la réussite ne compte pas mais c’est plutôt l’élégance morale et la dignité qui sont valables. Comme l’Alceste de Molière, Cyrano l’affirme dès le début de la pièce :

« Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances » (I,4).

Et à la dernière scène, il définit sa morale :

« Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul » (V,6) .

                               Des personnages humains et touchants : Au début de la pièce, tous les personnages sont pris, à des degrés divers, dans le jeu des apparences et de l’égoïsme.

Cyrano est un personnage de théâtre car sur la scène de l’Hôtel de Bourgogne, il défie, il joue la comédie, il s’attaque à un mauvais comédien, à un spectateur malheureux ou encore à ses adversaires de la Porte de Nesle. Le jeu qu’il imagine pour séduire Roxane consiste à faire de deux hommes « un héros de roman » c’est-à-dire une apparence, une fiction. Ce stratagème peut sembler assez machiavélique et on peut penser que Cyrano fait peu de cas de Roxane.

Roxane est elle-même une précieuse incapable d’entendre l’amour de son cousin, tout attachée qu’elle est à l’apparence, à la beauté de Christian, incapable d’entendre l’amour de Christian parce qu’il ne peut s’exprimer avec l’éloquence des mots précieux.

De Guiche est un grand seigneur sans humanité qui convoite Roxane et est prêt aux pires stratagèmes pour parvenir à ses fins. Il use de vengeance en envoyant les cadets à la guerre, et, en donnant à l’ennemi le lieu à attaquer, il les envoie à la mort.

Christian n’est qu’un personnage terne, insignifiant, falot. Il est beau et bête.

A la fin de la pièce, tous les personnages accèdent à leur être et à leur vérité :

C’est la mort qui donne à Christian sa grandeur : il a pris conscience de la vérité de ce qui se passe entre Cyrano et Roxane et sa mort en devient tragique. Le Comte de Guiche se réhabilite dès le siège d’Arras par sa bravoure que reconnaissent les gascons. Au dernier acte, il fait son autocritique et proclame son estime envers Cyrano. Roxane, de son côté, reconnaît progressivement les bienfaits de l’amour vrai ; depuis la scène du balcon, en passant par la lecture des lettres de Cyrano et en devenant une héroïne de guerre plutôt qu’une précieuse. A la fin, après sa conversion religieuse, elle acquiert toute son humanité lorsqu’elle découvre la vérité et la mort de Cyrano. Cyrano, quant à lui, amoureux sans espoir au début, il accepte de sacrifier son bonheur à celui de Roxane et Christian. Au 4ème acte, il devient un magnifique meneur d’hommes et, à la mort de Christian, le silence qu’il s’impose, le grandit avant une mort exemplaire.

Tous les rôles principaux évoluent vers plus de vérité, de générosité et d’humanité. Au fil des scènes, à travers humour, tentations et faiblesses, aucun, finalement, ne reste vil ou médiocre.

ð  On perçoit donc comment l’évolution des personnages permet le passage du paraître (la préciosité) à l’être (la vérité) en écho avec les personnages de Molière dans Les Précieuses Ridicules (1659).

En effet, il faut bien noter (comme le précise la fiche Wikipédia) qu’à l'époque de Molière, personne ne s'est jamais paré du titre de « précieuse », et les portraits qu'en donnent les textes d'époque sont contradictoires. C'est pourquoi un certain nombre de chercheurs vont jusqu'à proposer de ne plus recourir aux termes de « précieux » et de « préciosité », estimant qu'il ne s'agit que d'un qualificatif parodique et littéraire qui ne recouvre aucune réalité socio-historique concrète.

Aussi, dans leur présentation des Précieuses ridicules pour l'édition des Œuvres complètes de Molière dans la Bibliothèque de la Pléiade (2010), Georges Forestier et Claude Bourqui estiment-ils qu'en choisissant le terme de « précieuses » pour définir Magdelon et Cathos, le dramaturge n'a fait que reprendre un terme qui avait été utilisé dans un roman de l'abbé de Pure, un texte parodique de Charles Sorel, et quelques satires anti-féministes. Il pouvait les faire agir à sa guise, ne conservant que les traits que leur prêtaient les satiristes, à savoir le fait d'être « coquettes et prudes à la fois, minaudières, façonnières et usant d'un "jargon" incompréhensible à qui n'appartenait pas à leur "secte". »

Dans un registre proche, Myriam Dufour-Maître, écrit dans son étude sur Les Précieuses (2008), que « seul le génie de Molière a su donner la netteté d'un type littéraire achevé à quelques comportements mondains isolés, à quelques pratiques langagières minoritaires, à quelques partis pris esthétiques éphémères. »

 

 

                              

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